mardi 10 mai 2016

Quand la vie m'offre ses leçons sur un plateau...

Je ne peux m'empêcher d'écrire ce soir, incapable de me concentrer sur le sujet qui devrait pourtant m'occuper depuis des semaines : comment améliorer son optimisme. Pourquoi, me direz-vous, suis-je sensée explorer cette question? Pour résumer une longue histoire, c'est le sujet que je me suis vue attribué pour ma prochaine formation à Dubai et être certifiée Coach en intelligence émotionnelle (ou EQ Coach). 

Malgré les nombreuses années d'apprentissage et tous les efforts que j'ai pu faire pour apprendre plus théoriquement et moins empiriquement, il semble que la vie elle-même me rappelle que rien ne rentre dans mon cerveau si je ne suis pas soit sous pression ou que je vive les faits eux-mêmes pour les intégrer et comprendre complètement. 

L'optimisme donc.. Curieux sort que d'être choisie pour ce thème si étroitement lié à mon développement personnel. Ma terre d'origine est loin d'être reconnue pour sa culture optimiste, je la remercierais plutôt de m'avoir transmis un fort esprit critique, la possibilité d'argumenter et mon goût pour la culture. Mais... tous ces atouts sont aussi teintés d'une couleur un peu plus sombre: le pessimisme. Avez-vous déjà remarqué que pour signifier quelque chose de positif, la langue française utilise la négation. "C'est bien"... Non.... ce serait beaucoup trop beau! "c'est pas mal" est beaucoup plus engageant. 

Sans même comprendre ce qui m'arrivait, je me suis vue peu à peu transformée pendant mes quatre années en Colombie, le pays où les gens les plus pauvres observent la vie avec un sourire et un espoir d'un avenir meilleur qui font face aux pires obstacles. Bien sûr, cet optimisme à toute épreuve a ses limites mais saupoudrer mon esprit franco-critique d'un peu de positif m'a fait le plus grand bien ! J'ajouterais même qu'heureusement que j'ai pu bénéficier de ce moulage avant de m'embarquer pour cette nouvelle aventure dans le désert. Mon expérience saoudienne aurait pu tourner au vinaigre balsamique sans ce petit passage préalable au pays du printemps éternel. Mon travail quotidien est d'appliquer les enseignements colombiens et d'améliorer mes compétences dans ce domaine pour atteindre plus facilement ma prochaine oasis. 

Le week-end dernier, j'ai eu l'opportunité de coacher une personne pourvue d'un optimisme très, voire trop, développé et de constater les effets néfastes que cela pouvait aussi engendrer chez cette même personne. Remarque quelque peu naïve me direz-vous mais qui saura alimenter mon petit exposé la semaine prochaine. 

Mais la leçon la plus importante m'est arrivée sur un plateau cet après-midi en la personne d'Hajar. Une visite inattendue qui a illuminé ma journée. Je l'avais rencontrée l'été dernier, nos premières conversations avaient été plutôt tendues puisque je devais lui annoncer qu'elle ne pourrait participer au projet de recherche qu'elle avait en tête. Je ne peux jamais résister à quelqu'un qui sait argumenter avec raison et qui malgré le ton insistant reste correct dans ses propos. Elle avait eu gain de cause et je lui avais trouvé un logement sur le campus. Mais l'histoire s'est compliquée lorsque les autres étudiantes qui devaient partager son appartement m'ont informée des chamailleries qui duraient depuis un an et que cette jeune demoiselle ne s'était pas nécessairement comportée au mieux. Sans prendre parti, j'ai essayé de converser avec Hajar. Je dois avouer que je suis restée quelque peu frustrée de n'avoir atteint les résultats escomptés. Au milieu de l'été, la triste nouvelle est tombée: des cellules cancéreuses ont été trouvées dans son corps. Elle restait néanmoins toujours aussi inaccessible. Même si le contact restait cordial, aucune avancée ne s'annonçait. Je dois reconnaître que j'ai même pensé que si son comportement ne changeait pas, elle aurait du mal à sortir indemne de cette difficile période. Je ne pensais pas avoir pensé à voix haute...   

En accord avec ses parents, elle a décidé de retourner aux U.S. et d'avoir un avis supplémentaire sur son diagnostique. Malheureusement, celui-ci fut très rapidement confirmé et Hajar a demandé à pouvoir rentrer en KSA et se retirer du programme. Curieusement, même si je ne suis plus supposée m'en soucier, l'envie de la contacter m'a taraudée toute l'année. Je n'en n'ai rien fait mais son nom restait ancré dans mon petit cerveau. Fort heureusement, mes collègues ont fait appel à elle aujourd'hui et nos chemins se sont croisés au détour d'une réunion officielle. 

A ma plus grande surprise, son regard envers moi s'est tout de suite illuminé et nous nous sommes immédiatement étreintes. Ce changement d'attitude m'a bien évidemment surprise mais l'histoire et le discours qu'elle m'a tenus sont encore plus puissants à mes yeux.

Elle remercie la vie pour ce qui lui est arrivé, elle considère cette triste nouvelle comme une excellente opportunité de se recentrer sur ce qu'elle voulait réellement étudier et qu'elle avait perdu de vue lorsqu'elle avait découvert la recherche sur notre campus: la médecine. En rentrant en KSA, les médecins ont avoué leur incapacité à comprendre ou traiter sa maladie et lui ont recommandé un docteur à Los Angeles (ironie du sort puisqu’elle étudiait à San Diego). Elle voyage donc tous les trois mois aux U.S. pour se faire soigner et s'assurer de la bonne évolution de la maladie. Elle profite pleinement du soutien de ses parents qui ont grandement apprécié son retour en KSA et l'ont gratifiée d'un jacuzzi dans sa chambre (oui, il fallait bien un petit détail saoudien quand même). Elle s'est inscrite dans une université relativement multiculturelle à Riyadh et parle avec passion de ses études, ses projets de se spécialiser en chirurgie et de poursuivre sa carrière aux Etats-Unis tout en servant et en découvrant son pays.

Humble, souriante, respirant la joie de vivre, je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle entre nos deux rencontres et de la féliciter pour cette impressionnante évolution. Alors que je la complimentais, elle m'a remerciée pour mon attention de l'année dernière et m'a présenté ses excuses pour son attitude.

Nous avons fini par découvrir notre goût commun pour les treks et qui sait nous nous retrouverons peut-être sur l'un d'entre eux puisque nous sommes abonnées aux mêmes newsgroups! 

Mais en attendant je garde à l'esprit que même dans les pires moments, il est important de regarder les épreuves avec un œil positif et de ne pas perdre son esprit de résilience de vue. La vie finit toujours par vous récompenser à moyen terme.       

vendredi 6 mai 2016

Les taxis et moi... Une histoire d'amour (ou pas) !

Vous aviez peut-être apprécié (ou pas) mes histoires de taxis colombiens qui souvent se terminaient en demande en mariage. Grande nouvelle, cette fin heureuse ne risque pas de m'arriver dans ce doux nouveau pays d'adoption. 

Même avec la plus grande volonté, garder son calme et une diplomatie à toute épreuve est terriblement difficile. Bien sûr, une fois de plus ces conducteurs ne sont nullement responsables de la situation dans laquelle on les met : ils sont probablement payés une misère, ne parlent pas anglais (ni arabe) et ne connaissent en rien la ville. Certains ne savent même pas s'orienter sur notre campus, alors Jeddah vous n'y pensez pas!

Ma première expérience désagréable s'est déroulée il y a 15 jours lorsque nous avons décidé, jeunes femmes indépendantes de nous rendre à une nouvelle expo d'art à la galerie Alamania. Plus de 30 artistes étaient représentés et proposaient deux sketches chacun. Après un long et douloureux périple, de nombreux appels à un ami peintre pour nous guider, nous avons enfin trouvé la petite maison,  rencontré et échangé avec les artistes en personne. 
Nous avions eu la génuine idée de faire d'une pierre deux coups et de nous rendre à une deuxième expo "The arabian wings", soit disant située dans les proches environs. Nous étions lundi soir mais après tout quitte à voyager tout ce chemin, autant en profiter pleinement. Bien sûr entre théorie et réalité, il y a toujours une variante et la flexibilité s'impose d'elle-même. 


Notre flexibilité a néanmoins été mise à rude épreuve. Le chauffeur ne nous comprenant pas bien semblait prendre les routes opposées à celles demandées. Lorsqu'il s'est senti perdu, il a fait appel à un ami qui, bien sûr, ne comprenait pas mieux et nous a assimilées aux étrangères habituelles qui probablement au lieu de prononcer Alhyatt voulaient aller à IKEA. Toutes nos tentatives d'explications et de redirections sont restées vaines jusqu'à ce que désespérées nous avons dû nous rendre à l'évidence qu'à cette heure tardive l'expo était probablement déjà fermée. 

Retour à la maison. Ce ne devrait pas être trop compliqué, hein? Vous savez comment rentrer? Eh bien oui bien sûr! Alors pourquoi est-ce que vous allez dans le sens opposé de ce qui est indiqué sur le GPS? Tout simplement parce qu'il ne connaît qu'une seule manière de retrouver Medinah road et que nous ferons un nombre impressionnant de demi-tours pour retrouver le seul chemin qu'il connaissait. Et bien sûr, il aurait aimé avoir un pourboire... Pourquoi n'a-t-il pas de GPS me direz-vous? Tout simplement parce que la société qui les paie une misère considère qu'ils doivent se le procurer eux-mêmes. A priori ils doivent aussi se former eux-même et apprendre l'anglais tous seuls? Cela ne fait pas un peu beaucoup quand même? Incroyable, à notre époque, que les choses puissent encore se dérouler ainsi. :-(

Confiante, j'analysais cette situation comme le résultat d'un piètre choix de la compagnie (nous en avons trois sur le campus) mais la vie a décidé de me démontrer que j'étais encore une fois trop utopique. Hier soir, jeune femme indépendante, j'ai souhaité me rendre seule à Jeddah pour rejoindre une amie pour une intéressante expo d'art. Eh oui encore... Qui a dit qu'il n'y avait pas d'art qui vaille en KSA? Je ne prenais pas un très grand risque en y allant seule puisque le lieu était situé entre deux centres commerciaux très réputés. J'admets, je n'ai aucune idée comment m'y rendre seule, mais c'est bien la raison pour laquelle je fais appel à un taxi, non? Je me suis donc assoupie gaiement après ma longue semaine de travail jusqu'à ce que ce monsieur me demande en un pseudo-anglais de regarder mon app pour savoir où nous devions nous rendre. Mon app? Euh... n'es-tu pas supposé savoir où je dois aller? Fort heureusement ma bonne étoile m'a immédiatement montré le bâtiment où je devais retrouver mon amie. 
Où est l'entrée exactement, là où il souhaite sans aucun remords me laisser ne montre aucunement le signe d'une porte d'entrée. Je doute sincèrement et fortement être au bon endroit. Petit appel à mon amie saudi, qui me le confirme. Comment ce chauffeur pouvait-il même imaginer me laisser à cet endroit toute seule, par cette chaleur il espérait peut-être que j'allais m'amuser à me promener et à demander mon chemin à qui mieux-mieux avec mon abaya? 

Avant de le quitter, je lui demande d'informer l'entreprise que je souhaite changer mon horaire de retour et retarder d'une heure. Il m'assure qu'il vient de le faire... Sauf que... A 20h40 (parce que bien sûr ils arrivent toujours bien plus tôt que prévu, on est supposée ne pas avoir de vie ou quoi??) un autre chauffeur m'appelle pour m'annoncer qu'il m'attend je ne sais où. Après négociation délicate avec le chauffeur, puisqu'une fois de plus nous n'avons pas de langage commun, l'entreprise m'appelle. Alors que mon interlocuteur essaie de me faire passer pour une mauvaise cliente et voulant m'octroyer le paiement d'une heure d'attente, je finis par avoir gain de cause. On me récupérera à 22 heures et je paierai la course normale. 

Bien sûr à 21h40, un nouveau chauffeur m'appelle (grrrrrr) et souhaite venir me récupérer. Non merci, je suis toujours en train de dîner. Mon amie tente sereinement et clairement de lui expliquer comment nous retrouver au restaurant situé à 10 mètres de là où il se trouve. Bien sûr, impossible pour lui de comprendre comment nous localiser. Mon amie offre donc de me conduire à lui. Grrrrr.

Rentrée indemne, je redoute déjà la prochaine invitation à sortir. Je ne peux quand même pas toujours dépendre de mes amis pour sortir librement ! Définitivement, mon séjour ici aura lourdement appuyé sur le levier "indépendance" qui semblait un peu trop fortement me représenter pendant toutes ces années.