vendredi 24 juin 2016

Retour aux sources

Les années ont passé et je reste impactée par le sujet. Les compétences interculturelles et comment s'adapter à une nouvelle culture reste mon sujet de prédilection, il semble. Même si l'intelligence émotionnelle est venue s'insérer dans cette réflexion, rien ne me fait plus vibrer que d'assister à un débat ou différentes cultures s'expriment sur leur adaptation dans leur nouveau pays.

C'est cette formidable expérience que j'ai pu vivre dimanche dernier dans la superbe maison du non moins célèbre architecte Sami Angawi (cf. un de mes posts précédents qui rendait compte de ma première visite dans cette magnifique maison). Nous avons eu le privilège de sa présence un court instant. Cette brève apparition m'a permis de confirmer la grandeur de cet homme. C’est non seulement un architecte et philosophe reconnu dans le monde entier mais sa simple prestance vous illumine d'un seul rayon et il vous irradie instantanément de sa sagesse et sérénité. Un phénomène inexplicable que je n'ai connu qu'en très rares occasions. Les dernières personnes qui m'ont fait cet effet étaient Bill Clinton et Margareth Mitchell. La comparaison aujourd'hui me parait peu appropriée tellement il me semble au-delà de ces deux personnages publics.

L'évènement était ouvert et gratuit à tout public. Une vingtaine de nationalités étaient présentes et incluaient l’Estonie, l’Ethiopie, la France, l’Italie, le Pakistan et les Etats-Unis sans oublier l’Arabie Saoudite. Vous imaginerez les débats que cette diversité a générés. Certaines femmes américaines vivaient en Arabie depuis presque 40 ans, leur vision était très intéressante. Musulmanes toutes les deux, elles ont apporté une vision bien différente de ce pays. L’une d’entre elles comparait la vie qu’elle avait eue aux Etats-Unis en tant que musulmane, le racisme et les pressions négatives qu’elle avait reçues alors qu’elle ne demandait qu’à exercer sa foi en paix. Arrivée en Arabie Saoudite, elle reconnaissait qu’elle s’était sentie plus libre et respectée que dans son pays d’origine. Une autre vieille dame reconnaissait et dénonçait les abus des femmes encore existants dans certaines familles et la non réponse des autorités dans de telles situations mais admettait qu’elle préférait largement vivre en Arabie Saoudite qu’aux Etats-Unis. Au cours de toutes ces années, elle avait pu vivre trois révolutions qui avaient largement contribué au développement du pays : l’apparition du câble, du téléphone et Internet. Au vu de l’évolution du pays à travers ces transitions, elle exprimait sa confiance en un avenir positif.

Curieusement, la personne la moins optimiste de toute la salle était une Saudi dont les parents étaient d’origine anglaise et italienne. Elle souffrait non seulement des mêmes maux que nous expatriées (inhibition de notre féminité, perte d’indépendance et impossibilité de conduire) mais aussi de la victimisation de ses enfants en terme de harcèlement car leur mère ne suit pas les protocoles locaux et ne se couvre pas. Je crois qu’elle souffre plus pour cette deuxième situation que pour la première. Je lui faisais d’ailleurs remarquer (me référant a ma propre expérience) qu’être trop indépendante comportait aussi ses travers.

Le thème de l’imposition culturelle par une minorité est également apparue à l’issu du débat. Conservateurs et libéraux se sont affrontés verbalement l’espace d’un instant pour ensuite retomber diplomatiquement et laisser place à l’éternel débat de donner la possibilité des femmes conduire dans le pays. Un thème récurrent des femmes dans ces instances qui génèrent des soulèvements de sourcils de la part des hommes, façon « encore ! ».  

Lors d’une discussion sur cette soirée avec un de mes étudiants, j’ai eu la possibilité d’écouter le prince s’exprimer sur ce sujet. Dans son discours, il déclarait que le problème ne provenait pas tant de la famille royale que de la société elle-même. Le film « Wadjda » de Haifaa Al-Mansour le décrit subtilement mais parfaitement. Dans ce même discours, il faisait une analogie très pertinente : les Etats-Unis ont été créés en 17794, combien d’années leur a-t-il fallu pour abolir l’esclavage, donner le droit de vote aux femmes… ? KSA est né il y a 100 ans, certes les problèmes existent et de nombreux faits restent inadmissibles aux yeux des occidentaux mais le parcours réalisé en si peu d’années laisse penseur également. Cette transformation risque de s’accélérer encore lorsque certains (et j’espère un important groupe de mes étudiants) des 400 000 étudiants saoudiens, qui se trouvent actuellement aux Etats-Unis grâce aux bourses offertes par feu le roi, rentreront au pays.

Mes nombreuses conversations avec les étudiants montrent leur dévouement à cette cause et leur volonté de contribuer au changement. Mes esprits révolutionnaires toujours bien présents, je dois avouer que je les incite fortement à la création d’entreprise et les supporte dans cette voie. J

Prochaine excursion culturelle : exposition photo sur le voyage à Makkah en 1905 et une exposition artistique locale. Qui aurait cru que je pourrais trouver autant de vie culturelle dans ce désert ?

 

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