samedi 4 février 2017

Al Qasim, la Rome antique de KSA

Un voyage auquel je m'étais inscrite sans vraiment penser que j'irai réellement vu que je n'avais pas payé mes dus. Mais deux jours avant le départ, me voici informée que l'on m'attendra à 16 heures pour se rendre à l'aéroport. Oops, il va falloir que je négocie une sortie du bureau plus tôt. 
Ces petits détails réglés, me voici en partance pour Al Qasim. "Mais qu'est-ce que tu vas faire là-bas? Il n'y a rien à voir. Ils sont tellement conservateurs là-bas.", me disait-on. Pleine d'insouciance, et sans vraiment connaître le programme, vous connaissez la chanson, je m'embarquais pour cette nouvelle épopée. Les yeux toujours pleins d'étoiles suite à mon excursion à Tabouk, je m'attendais à une tout aussi belle expérience...

Mais...la réalité fut quelque peu différente. Ne vous y trompez pas, j'ai quand même réussi à prendre plus de 200 photos, il ya donc bien des choses intéressantes à voir. Mais... les conditions du voyage m'ont confrontée à une toute autre réalité de la vie dans cette contrée et je suis rentrée les yeux plutôt humides ou du moins gris nuageux. 

Il m'est de plus en plus clair que ma relation aux hommes a toujours été quelque peu compliquée. Oui, je sais,  j'arrive enfin à l'âge de raison. Mieux vaut tard que jamais! Et j'ajouterais, encore plus lorsqu'ils sont relativement machistes et cherchent à contrôler mes faits et gestes. Sachant cela me direz-vous pourquoi suis-je allée en Colombie et me retrouve maintenant en KSA où cet aspect est encore plus criant. Excellente question, merci de me l'avoir posée!

Toujours est-il que ce voyage a dégagé en moi une intolérance pour ce genre de personnages à son paroxysme. L'agenda, que j'aurais dû regarder plus attentivement probablement, était complet voire trop complet. Comme à chaque voyage, le guide souhaite nous faire découvrir les 1001 merveilles de sa région et ne se rend pas nécessairement compte que nous nécessitons plus que deux minutes pour les observer et les apprécier comme il se doit. Je suis généralement allergique aux tours guidés mais au vu de ma condition féminine, c'est à peu près la seule chance qui m'est offerte de visiter ce beau pays. Très vite la moutarde m'est montée au nez lorsque nous étions pressés de nous dépêcher, de prendre moins de photos pour nous rendre dans l'autre site touristique. Mais je décidais de naviguer un peu ces émotions et de profiter du côté positif de ce voyage. 

Dans chaque lieu visité, un protocole d'accueil saudi s'imposait: nul ne sortira de ce lieu sans avoir manger au moins une datte, bu une tasse de café saudi et terminé cette collation par un petit biscuit et un petit thé bien sucré. Après quatre accueils de ce style, vous n'avez qu'une seule envie, celle qui vous impose de sortir au plus vite!

Mais le plus dur restait à venir... Un petit détour par les festivals où nous étions bien sûr attendus comme personnalités importantes, cameramen et autres personnages des médias à l'appui. Nulle question de s'échapper et d'aller faire le tour des stands en individuel comme j'en avais pris l'habitude auparavant. Vous resterez tous groupés et nous visiterons les stands tous ensembles. Mon esprit rebel s'est enflammé et j'ai profité d'un petit moment d'égarement de nos guides pour m'envoler avec une amie. Bien sûr la négociation des prix est beaucoup plus compliquée lorsqu'aucun des deux camps ne parlent le même langage, mais qu'importe! Au final ce ne sont que des chiffres et même si certaines commerçantes ignoraient notre système, il y avait toujours un ou une passante qui nous aidait dans la traduction. Les femmes, toutes couvertes de leur niqab, nous saluaient, nous souhaitaient la bienvenue et parfois nous demandaient une photo, non sans au préalable s'être regardée pour s'assurer de... je ne sais quoi exactement car seuls leurs yeux apparaissaient. Certaines s'exprimaient parfaitement en anglais, avec d'autres par contre nous nous amusions à interpréter nos langues respectives pour établir un semblant de communication. Le mutawa lui par contre n'a eu aucun problème à se faire comprendre, même s'il ne parlait pas un mot d'anglais, lorsqu'il nous a gentiment engueulé et demandé de nous couvrir le visage (ce que nous n'avons pas fait bien entendu). Des expériences que l'on ne peut vivre si l'on se promène à plusieurs... 

Le lendemain a donné lieu au même rythme effréné et nous avons pu expérimenter un deuxième festival. Les conditions se sont avérées très distinctes cette fois malheureusement. Ayant appris de leurs "erreurs" antérieures, nos guides ont décidé cette fois que nous n'aurions aucun échappatoire possible. S'éloigner de 10 mètre générait un harcèlement sans limite et toute distanciation du groupe donnait lieu à d'interminables discussions. Bien sûr, ces hommes ne souhaitaient en aucun cas que nous nous promenions seules. Je conçois que ce ne sont pas les coutumes de la région mais nous sommes clairement étrangères et n'avons aucune envie d'aller danser (quoique) dans la rue sans faire attention à notre environnement. Nous ne faisions rien de mal, et prendre des photos ne se fait pas en une seconde. Je n'ai pas non plus l'intention de passer 10000 ans devant un stand qui ne m'intéresse absolument pas lorsque je pourrais aller parler avec l'artiste ici présent qui souhaite vendre ses oeuvres d'art. Mais l'organisation en avait décidé tout autrement et même ce petit écart m'a été refusé. Autant dire que ma petite bouilloire était au bord du sifflement. Et comme si cela n'était pas suffisant, tous ces messages m'étaient transmis d'une manière très peu respectueuse (selon mes critères). 

Mais l'impact le plus important de ce voyage est venu quelques heures plus tard. Jusqu'à présent chaque fois que nous avions voyagé nous n'avions pas vu de femmes, étant toujours accueillis par les guides masculins. Naviguer ainsi "librement" dans ces festivals nous a fait découvrir une toute autre réalité. Ces femmes portaient toutes le niqab ou étaient complètement couvertes avec ce que je qualifierais de masque d'escrime directement intégré dans leur abaya. Ne pouvoir voir aucun de ces visages, observer tout ce noir à chaque coup d'oeil échangé, ne pouvoir reconnaître cette femme qui nous a saluées si gentiment il y a quelques secondes car elles se ressemblent toutes de par leurs yeux maquillés à l'identique... Tout cela finit par vous peser sur le système sans même vous en apercevoir et les idées noires s'incrustent également. 
Tout ceci cogitait plus ou moins sereinement dans ma petite tête lorsque l'heure du retour a sonné et que je me suis trouvée nez à nez avec l'un de mes étudiants. Il avait étudié 6 ans aux Etats-Unis et est maintenant de retour sur le campus pour le Master. Je n'avais aucune idée qu'il était de cette région. Il me paraissait relativement libéral et avait toujours un mot très sympathique sur ce que je portais ou autre. Le voir entrer dans l'avion, accompagné d'une dame entièrement couverte, m'a soudainement fait un choc. Quelle expérience difficile celle de passer d'un monde aussi conservateur à cette société libérale aux U.S. pour ensuite revenir à ses racines et revivre dans ces conditions. Je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qu'il pouvait ressentir et comment il pouvait interagir avec cette vie locale. 

J'ai eu l'occasion d'aborder le sujet depuis avec mon amie Nada. Pour la première fois, je me suis aperçue que sa famille elle-même était conservatrice. Elle me l'avait mentionnée mais en visionnant les photos du mariage de sa soeur, j'ai pu constater que toute les femmes (mère et soeur) se couvrent et qu'elle est la seule à porter le hijab. Une situation qu'elle m'a décrite comme difficile mais qu'elle arrive malgré tout à soutenir. Son père fort heureusement la soutient même si parfois en son fond intérieur elle sent bien que face à la famille son support n'est pas aussi fort. Ses frères par contre sont beaucoup plus conservateurs et ont encore du mal à comprendre sa personnalité et son indépendance. Aller à la banque avec son frère est devenu un cauchemar: il est soit trop soucieux de ne pas se montrer avec une femme non couverte ou trop attentionné pour ne pas la laisser seule et lui permettre de parler seule au guichet. J'espère juste que son père restera de ce monde jusqu'à ce qu'elle décide ce qu'elle souhaite faire de sa vie car sinon ses frères risquent de la marier au premier conservateur venu. 

Et dire que je pensais avoir souffert lors de mon choc culturel inverse en rentrant en France la première fois. C'était du gâteau en comparaison.    

Après avoir dormi de plus longues heures et repris mes esprits, j'ai pu remonter un peu mon humeur et découvrir une toute autre société à Jeddah ce week-end. J'ai eu le sentiment de m'être exilée l'espace de quelques instants grâce à l'expo artistique 2139 dont je vous parlerai dans un prochain poste. En attendant, voici "quelques" photos de ce week-end tumultueux!