Je ne peux m'empêcher d'écrire ce soir, incapable de me concentrer sur le sujet qui devrait pourtant m'occuper depuis des semaines : comment améliorer son optimisme. Pourquoi, me direz-vous, suis-je sensée explorer cette question? Pour résumer une longue histoire, c'est le sujet que je me suis vue attribué pour ma prochaine formation à Dubai et être certifiée Coach en intelligence émotionnelle (ou EQ Coach).
Malgré les nombreuses années d'apprentissage et tous les efforts que j'ai pu faire pour apprendre plus théoriquement et moins empiriquement, il semble que la vie elle-même me rappelle que rien ne rentre dans mon cerveau si je ne suis pas soit sous pression ou que je vive les faits eux-mêmes pour les intégrer et comprendre complètement.
L'optimisme donc.. Curieux sort que d'être choisie pour ce thème si étroitement lié à mon développement personnel. Ma terre d'origine est loin d'être reconnue pour sa culture optimiste, je la remercierais plutôt de m'avoir transmis un fort esprit critique, la possibilité d'argumenter et mon goût pour la culture. Mais... tous ces atouts sont aussi teintés d'une couleur un peu plus sombre: le pessimisme. Avez-vous déjà remarqué que pour signifier quelque chose de positif, la langue française utilise la négation. "C'est bien"... Non.... ce serait beaucoup trop beau! "c'est pas mal" est beaucoup plus engageant.
Sans même comprendre ce qui m'arrivait, je me suis vue peu à peu transformée pendant mes quatre années en Colombie, le pays où les gens les plus pauvres observent la vie avec un sourire et un espoir d'un avenir meilleur qui font face aux pires obstacles. Bien sûr, cet optimisme à toute épreuve a ses limites mais saupoudrer mon esprit franco-critique d'un peu de positif m'a fait le plus grand bien ! J'ajouterais même qu'heureusement que j'ai pu bénéficier de ce moulage avant de m'embarquer pour cette nouvelle aventure dans le désert. Mon expérience saoudienne aurait pu tourner au vinaigre balsamique sans ce petit passage préalable au pays du printemps éternel. Mon travail quotidien est d'appliquer les enseignements colombiens et d'améliorer mes compétences dans ce domaine pour atteindre plus facilement ma prochaine oasis.
Le week-end dernier, j'ai eu l'opportunité de coacher une personne pourvue d'un optimisme très, voire trop, développé et de constater les effets néfastes que cela pouvait aussi engendrer chez cette même personne. Remarque quelque peu naïve me direz-vous mais qui saura alimenter mon petit exposé la semaine prochaine.
Mais la leçon la plus importante m'est arrivée sur un plateau cet après-midi en la personne d'Hajar. Une visite inattendue qui a illuminé ma journée. Je l'avais rencontrée l'été dernier, nos premières conversations avaient été plutôt tendues puisque je devais lui annoncer qu'elle ne pourrait participer au projet de recherche qu'elle avait en tête. Je ne peux jamais résister à quelqu'un qui sait argumenter avec raison et qui malgré le ton insistant reste correct dans ses propos. Elle avait eu gain de cause et je lui avais trouvé un logement sur le campus. Mais l'histoire s'est compliquée lorsque les autres étudiantes qui devaient partager son appartement m'ont informée des chamailleries qui duraient depuis un an et que cette jeune demoiselle ne s'était pas nécessairement comportée au mieux. Sans prendre parti, j'ai essayé de converser avec Hajar. Je dois avouer que je suis restée quelque peu frustrée de n'avoir atteint les résultats escomptés. Au milieu de l'été, la triste nouvelle est tombée: des cellules cancéreuses ont été trouvées dans son corps. Elle restait néanmoins toujours aussi inaccessible. Même si le contact restait cordial, aucune avancée ne s'annonçait. Je dois reconnaître que j'ai même pensé que si son comportement ne changeait pas, elle aurait du mal à sortir indemne de cette difficile période. Je ne pensais pas avoir pensé à voix haute...
En accord avec ses parents, elle a décidé de retourner aux U.S. et d'avoir un avis supplémentaire sur son diagnostique. Malheureusement, celui-ci fut très rapidement confirmé et Hajar a demandé à pouvoir rentrer en KSA et se retirer du programme. Curieusement, même si je ne suis plus supposée m'en soucier, l'envie de la contacter m'a taraudée toute l'année. Je n'en n'ai rien fait mais son nom restait ancré dans mon petit cerveau. Fort heureusement, mes collègues ont fait appel à elle aujourd'hui et nos chemins se sont croisés au détour d'une réunion officielle.
A ma plus grande surprise, son regard envers moi s'est tout de suite illuminé et nous nous sommes immédiatement étreintes. Ce changement d'attitude m'a bien évidemment surprise mais l'histoire et le discours qu'elle m'a tenus sont encore plus puissants à mes yeux.
Elle remercie la vie pour ce qui lui est arrivé, elle considère cette triste nouvelle comme une excellente opportunité de se recentrer sur ce qu'elle voulait réellement étudier et qu'elle avait perdu de vue lorsqu'elle avait découvert la recherche sur notre campus: la médecine. En rentrant en KSA, les médecins ont avoué leur incapacité à comprendre ou traiter sa maladie et lui ont recommandé un docteur à Los Angeles (ironie du sort puisqu’elle étudiait à San Diego). Elle voyage donc tous les trois mois aux U.S. pour se faire soigner et s'assurer de la bonne évolution de la maladie. Elle profite pleinement du soutien de ses parents qui ont grandement apprécié son retour en KSA et l'ont gratifiée d'un jacuzzi dans sa chambre (oui, il fallait bien un petit détail saoudien quand même). Elle s'est inscrite dans une université relativement multiculturelle à Riyadh et parle avec passion de ses études, ses projets de se spécialiser en chirurgie et de poursuivre sa carrière aux Etats-Unis tout en servant et en découvrant son pays.
Humble, souriante, respirant la joie de vivre, je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle entre nos deux rencontres et de la féliciter pour cette impressionnante évolution. Alors que je la complimentais, elle m'a remerciée pour mon attention de l'année dernière et m'a présenté ses excuses pour son attitude.
Nous avons fini par découvrir notre goût commun pour les treks et qui sait nous nous retrouverons peut-être sur l'un d'entre eux puisque nous sommes abonnées aux mêmes newsgroups!
Mais en attendant je garde à l'esprit que même dans les pires moments, il est important de regarder les épreuves avec un œil positif et de ne pas perdre son esprit de résilience de vue. La vie finit toujours par vous récompenser à moyen terme.